L'acier est partout: voitures, bateaux, grattes-ciel, ponts, machines à laver,.. C'est un élement majeur pour l'ingénierie et la construction. L’acier est le métal le plus couramment utilisé au monde, formant ainsi les fondations de l’économie industrielle moderne. Depuis qu'une méthode de production de masse à moindre frais a été développée dans les années 1850, l'industrie s'est développée et génère aujourd'hui plus de 2,5 milliards de dollars et emploie des millions de personnes. Cependant, le rôle de l’acier dans la crise climatique est maintenant beaucoup plus surveillé, ainsi que les secteurs du pétrole et du charbon. La principale méthode de fonte du fer pompe d'énormes quantités de dioxyde de carbone - le principal contributeur au réchauffement climatique. En effet, le secteur du fer et de l'acier est le plus grand producteur industriel de gaz, juste après l'industrie de la production d'électricité, avec 7 à 9% de toutes les émissions directes de combustibles fossiles. Alors que le changement climatique occupe une place importante dans l'agenda politique mondial et que de nombreux gouvernements s'engagent à atteindre des objectifs environnementaux ambitieux, il y a une course contre la montre dans le but de développer des versions à faible émission de carbone de ce matériau solide et adaptable. Les experts affirment que l'acier est un matériau très important pour la société moderne et si nous voulons contribuer à la réalisation des objectifs climatiques fixés dans l'accord de Paris, il ne suffira pas d'améliorer l'efficacité du haut fourneau: des technologies de rupture sont nécessaires de toute urgence. Les industries lourdes, telles que l'acier, qui nécessitent une chaleur extrême, sont l'un des prochains défis de la décarbonisation de l'économie, après le déploiement massif des énergies renouvelables et aux récentes promesses de nombreux constructeurs automobiles mondiaux de passer aux moteurs électriques. Par conséquent, pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et d'énergie, les émissions de l'industrie sidérurgique doivent diminuer d'au moins de moitié d'ici 2050. Aujourd'hui, certains des plus grands sidérurgistes du monde, y compris par exemple le groupe chinois Baowu, sont à différents stades de la transformation des concepts de laboratoire en réalité, ciblage d'émissions "nettes zéro". Systemiq - une société de conseil et d'investissement en développement durable affirme que l'avancement de développement technique est à un bon niveau. Selon eux, on peut s'attendre à une première vague de sites de production proches de zéro avant 2030. L'idée est de changer la méthode de transformation de la roche en métal avec de l'hydrogène gazeux "propre" comme nouvelle source d'énergie alternative. Mais le faire dans une industrie aussi gigantesque avec une production de 2 milliards de tonnes par an est un défi de taille. L'un des obstacles est le montant de l'investissement, qui pourrait atteindre des centaines de milliards de dollars. Le plus grand sidérurgiste européen a estimé que la décarbonation de ses installations sur le continent, conformément à la volonté de l’UE d’éliminer les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050, coûterait entre 15 et 40 milliards d’euros. L'extraction du fer de son minerai est très intensive en production de carbone. En fait, le CO2 est un sous-produit de la réaction chimique. C'est pourquoi il est si important pour la sidérurgie et donc très difficile à remplacer. De plus, l'acier est le matériau le plus réutilisé au monde, il fait donc déjà partie d'une "économie circulaire". Les fours à arc électrique qui fondent la ferraille, plutôt que de convertir les matières premières, sont plus petits, plus flexibles et n'émettent qu'une fraction du CO2 des hauts fourneaux. Aujourd'hui, ils représentent un peu moins de 30% de la production mondiale d'acier. Cependant, leurs approvisionnements sont limités et ils ne peuvent pas toujours produire la qualité requise pour certaines applications, par exemple pour l'industrie automobile. Ainsi, les spécialistes pensent qu'il y aura probablement un besoin d'acier "vierge", mais en utilisant une méthode moins polluante. Après avoir rejoint l'accord de Paris sur le climat, le président américain Joe Biden a proposé de créer une agence de recherche sur le climat dont les objectifs incluent "la décarbonation de la chaleur industrielle nécessaire à la fabrication de l'acier, du béton et des produits chimiques". Un autre engagement important a eu lieu lorsque la Chine a dévoilé en 2020 un objectif visant à atteindre la "neutralité carbone" d’ici 2060. Cela signifie que des améliorations majeures seront nécessaires pour ses aciéries responsables d’environ 1/3 des émissions industrielles du pays. La Chine produit la moitié de l’acier mondial et génère environ 2 tonnes de CO2 pour chaque tonne d’acier qu’elle produit. A contrario, l'Europe ne génère qu'une tonne. Par conséquent, il est important pour la Chine de montrer que ses exportations ne sont pas plus intensives en carbone que les biens produits dans d'autres pays. Jusqu'à présent, les initiatives les plus avancées pour décarboner la production d'acier se trouvent dans l'Union Européenne. Une politique locale permet aux entreprises d'acheter et de vendre des certificats pour couvrir leur pollution par le carbone. Ainsi, le prix d'une tonne de CO2 a grimpé huit fois depuis 2016 à près de 40 €. Certaines industries seront également confrontées à une sanction financière pour pollution ou à une incitation au changement. Alors que les pays commencent déjà à lancer leurs propres marchés du carbone, il y a des avertissements selon lesquels l'argent des actionnaires pourrait être menacé par l'incapacité des sidérurgistes à agir sur leurs émissions. Selon CDP, un groupe d'évaluation du climat à but non lucratif, il est impossible que la production d'acier continue au même rythme et atteigne le zéro net. Les actionnaires doivent vraiment commencer à investir dès maintenant pour pouvoir changer. Selon ShareAction, une ONG qui promeut l'investissement responsable, les investisseurs comprennent moins clairement les problèmes et les solutions possibles pour les industries manufacturières lourdes. "Avec le pétrole et le charbon, vous savez qu'il doit disparaître. Avec les véhicules à combustion, ils doivent disparaître. Avec l’acier, c’est plus compliqué." Il y a un expériment qui vise à renverser des siècles de métallurgie établie en exploitant l'élément le plus abondant de l'univers. SSAB commencera bientôt les essais d'utilisation de l'hydrogène gazeux pour réduire le minerai de fer dans une usine pilote à Lulea en Suède. Cela ne devrait entraîner pratiquement aucune émission de CO2, la vapeur d'eau étant le seul sous-produit. Si cela est prouvé au niveau industriel, ce sera révolutionnaire. SSAB utilisera plutôt du gaz hydrogène propre au lieu du gaz naturel, produit dans une installation appelée électrolyseur alimenté par de l'électricité renouvelable. Le produit sera un intermédiaire solide, appelé fer éponge, qui va dans un four à arc électrique, où il est mélangé avec de la ferraille et raffiné en acier. Des concurrents de SSAB comme Voestalpine et ArcelorMittal développent des projets similaires: "Au laboratoire, nous savons qu'en principe H2 est capable dans les bonnes conditions de réduire le minerai de fer en fer métallique. Mais jusqu'à présent, personne ne l'a jamais fait à une échelle industrielle", déclare Lutz Bandusch d'ArcelorMittal. Une autre possibilité d'utilisation de l'hydrogène consiste à remplacer le charbon dans les hauts fourneaux. Mais ce n'est pas encore la solution complète pour nettoyer l'acier. Selon SSAB, "Augmenter la capacité de production de l'électrolyseur et rendre le coût global du H2 provenant de l'électricité plus abordable - ce sera extrêmement important pour l'industrie sidérurgique de décider de se convertir à grande échelle loin du processus de haut fourneau". Le groupe suédois a estimé que le métal issu de sa filière à base d'hydrogène coûterait au moins 20 à 30% plus cher. "Nous pensons que H2 est probablement la solution pour atteindre zéro émission. La question clé est le coût.", déclare Della Vigna de Goldman Sachs, qui admet qu’elle deviendra économiquement viable à un prix du carbone d’environ 220 dollars la tonne. Cependant, pour que les usines passent massivement à l'hydrogène propre, une expansion massive des infrastructures d'énergie renouvelable est nécessaire. Par exemple, pour convertir son secteur sidérurgique au DRI basé sur l'hydrogène vert, l'Allemagne aurait besoin d'une énergie renouvelable supplémentaire équivalant à environ 20% de sa consommation électrique actuelle. Cela montre à quel point l’industrie sidérurgique nécessite un énorme changement. D'autres initiatives visent à empêcher les gaz de s'échapper ou envisagent des solutions intermédiaires qui pourraient réduire les émissions au fil du temps. En Belgique, ArcelorMittal construit une installation qui transformera les déchets de bois toxiques en "bio-charbon" avec une empreinte CO2 plus faible, pour remplacer une partie de la variété régulière dans les hauts fourneaux. L'entreprise a investi 165 millions d'euros dans des équipements de captage des gaz résiduaires. Les microbes les convertiront ensuite en éthanol, qui peut être recyclé en produits chimiques contenant du carbone, tels que les plastiques ou les carburants. Néanmoins, les écologistes soutient qu'ils sont coûteux, non prouvés à grande échelle et détournent l'attention de la cause profonde des émissions. Carbon Tracker, un groupe de réflexion, affirme que le CCUS a un rôle à jouer dans l'industrie lourde. Alors que les géants de l'industrie se débattent avec un dilemme presque existentiel, le défi est d'attirer de nouveaux entrants dans l'espoir de secouer le secteur. La start-up américaine Boston Metals, issue du MIT et soutenue par Bill Gates, affirme disposer d'une technologie permettant de fabriquer de l'acier flambant neuf sans émissions en utilisant l'électricité. Dans une méthode similaire à la production d'aluminium, le courant passe à travers une cellule. Il s'agit d'une coque en acier, qui contient à l'intérieur ce que l'entreprise appelle une "soupe d'oxydes fondus" comprenant du minerai de fer. Boston Metal fournira de petites unités modulaires aux sites de production qui peuvent être agrandies en fonction de la demande. Cela fonctionne comme l'inverse d'une batterie, car ils injectent de l'électricité, la cellule sort un fer très pur, où on peut ajouter les autres éléments pour obtenir un acier de haute qualité. La société de 9 ans a reçu des investissements des sociétés minières BHP Group et Vale, le financement total est donc supérieur à 100 millions de dollars. Boston Metals vise une commercialisation à grande échelle d'ici 2025. "Si nous avons le coût de l'électricité au même niveau que les fabricants d'aluminium aujourd'hui, nous serons compétitifs sans taxe sur le carbone", déclare le PDG Tadeu Carneiro. "Cela va vraiment changer le monde." Si l'acier vert peut vraiment avoir un impact contre le changement climatique, l'industrie ne peut pas le considérer comme un produit de niche et de qualité supérieure. Le gouvernement européen a autorisé la perception d'une taxe afin qu'elle puisse soutenir la croissance des énergies renouvelables. Selon Mittal. "Il devrait y avoir une sorte de mécanisme ou de cadre politique similaire et un soutien pour l'industrie sidérurgique afin que nous investissions dans le développement des projets en projets commerciaux à part entière." Finançant de projets durables dans le cadre de son "Green Deal européen", Bruxelles élabore actuellement des plans pour un "mécanisme d'ajustement aux frontières carbone" qui imposerait une taxe CO2 sur certains biens entrant dans l'Union. Le but est d'éviter que des produits étrangers bon marché ayant un impact environnemental important sapent les entreprises nationales qui investissent dans des technologies vertes coûteuses. Cependant, certains se demandent si cela suffit pour encourager l'adoption généralisée de technologies propres. "Du point de vue des coûts et de l’analyse économique, nous ne voyons pas encore les bonnes conditions pour faciliter une transition en gros dans l’industrie", déclare Smith, de CRU. Mais le scientifique en chef de Greenpeace UK voit des raisons d'être optimiste: "L'élan semble être plus grand que dans, par exemple, l'industrie du ciment ou des produits chimiques. Cela pourrait bien être un test de la manière dont une industrie s'y prend."