"Il faut tout changer pour que rien ne change"  prophétisait le Prince de Salina dans le film "Le Guépard" où Luchino Visconti met en scène une ancienne famille d'aristocrates siciliens qui, avec cynisme, tente de résister à son inéluctable déclin en s'alliant à une bourgeoisie riche et vulgaire.

Cette phrase ne correspond pas à la vision idéaliste et consensuelle du "Reset" que nous propose le Professeur Schwab, mais elle reflète parfaitement la manière dont les opinions publiques européennes ont souvent interprété le projet de Grande Réinitialisation.

 "Je ne préconise pas un changement de système. Je prône l'amélioration du système." proclame Klaus Schwab.

Le "monde selon Klaus" est peut-être une utopie mais ce que veut avant tout le Professeur Schwab c'est réaliser les conditions du changement. Lorsque toutes les conditions seront réunies, nous dit-il, le monde sera prêt pour une transition "douce" vers un nouveau modèle de société et surtout, on aura évité les violences qui, souvent, accompagnent ces mutations sociales.

Le Professeur Schwab redoute que l'augmentation des inégalités provoquée par un possible effondrement économique ne génère des troubles sociaux et, à terme, une tentative de régler les problèmes sociaux par des moyens militaires. Ceux-ci ne seraient alors que le prolongement de la guerre économique en cours.

Klaus Schwab est bien conscient du danger. Il constate l'émergence des nationalismes et un recul du multilatéralisme au profit d'accords bilatéraux qui permettent toujours aux acteurs économiques plus forts (entreprises ou Etats) d'imposer leur volonté.

Il constate aussi que le leadership mondial des Etats-Unis s'estompe depuis la fin des accords de Bretton-Woods sans qu'une alternative cohérente puisse émerger. Le déclin de l'Empire américain accompagne l'émergence d'une Chine de plus en plus présente sur la scène internationale. Les tensions qui naissent de cette situation augmentent la compétition pour l'accès aux ressources.

"Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres" (Antonio Gramsci)