"The response should not be to create a global governance hegemon but to coordinate actions among regulators"

(https://www.weforum.org/agenda/2021/01/the-rise-of-the-big-idea/)

 ("La réponse ne doit pas consister à désigner un Commandant suprême de la gouvernance mondiale, mais à coordonner les actions entre les régulateurs.")

Klaus Schwab n'est pas favorable à une "gouvernance globale" mais à une meilleure coordination des pouvoirs publics entre eux et il cite en exemple la politique fiscale de l'OCDE concernant les revenus des entreprises de la "net-economy": l'OCDE préconise que chaque pays membre où une entreprise digitale exerce ses activités applique à cette entreprise sa propre imposition indépendamment du lieu du siège légal de celle-ci.

Le terme même de "gouvernance" appliqué à la politique internationale est  un concept à la mode idéologiquement orienté : il appartient depuis longtemps au vocabulaire technocratique des grands cabinets d'audit internationaux et il est emblématique d'une approche "entrepreneuriale" des systèmes politiques néo-libéraux. On peut se demander en quoi un tel mot est différent de "gouvernement", un terme plus ancien et bien plus transparent.

Le mot "gouvernance" n'est pas neutre car il tend à occulter la responsabilité spécifique du politique et la diluer dans une sorte de co-responsabilité d'entreprise qui, par définition est sujette à toute sorte d'aléas. Le mot "gouvernance" tend à nous faire oublier un peu facilement que le rôle et la responsabilité du politique dans un Etat est de diriger et de prendre des décisions. C'est sur cette seule capacité qu'il sera jugé par les électeurs.

De fait, le point névralgique du modèle des "parties prenantes" est la prise de décision. Sur ce point le Professeur Schwab est on ne peut plus clair:

 "Si un gouvernement, une organisation ou une entreprise doit d'abord obtenir l'aval de toutes ses parties prenantes avant de pouvoir prendre une décision, comment peuvent-ils encore piloter efficacement leur organisation ?"  ("Stakeholder Capitalism" p. 198)

Et la réponse est on ne peut plus pragmatique:

"La solution, selon moi, consiste à séparer le processus consultatif du processus décisionnel. Au stade de la consultation, toutes les parties prenantes devraient être impliquées et leurs préoccupations devraient être entendues. Dans la phase de prise de décision, en revanche, seules les personnes mandatées pour prendre des décisions devraient pouvoir le faire, ce qui signifie, dans le cas des entreprises, respectivement le conseil d'administration ou la direction générale"  ("Stakeholder Capitalism" p. 198)

Voilà de quoi rassurer les investisseurs, les entrepreneurs et les dirigeants des grandes multinationales: les capitalistes libéraux restent aux commandes de "leurs" entreprises.  Les autres "parties prenantes", les "stakeholders", qui devraient pourtant être au coeur de la réflexion de Monsieur Schwab, eux, n'ont qu'une fonction consultative. Autrement dit, quand il faut prendre des décisions stratégiques, ils sont priés de laisser faire les "grandes personnes".

De là à parler de "stakeholder-washing" il n'y a qu'un pas que nous franchissons avec tristesse et lucidité.