Après le succès inédit de la Formule E, la version de la Formule 1, mais 100 % électrique, la légendaire F1 s'aligne avec la tendance, voire la nécessité d'être respectueux de l'environnement. C'est un défi majeur, étant donné l'ampleur de cette course et son empreinte carbone. Les écuries utilisent actuellement environ 1 500 litres d'essence par grand prix.

Alors comment seront les monoplaces des Formule 1 à venir? A quoi ressembleront les moteurs en 2025 ? Vont-ils utiliser des carburants décarbonés? Les ingénieurs, sauront-ils développer plus de puissance, tout en arrivant à réduire les émissions de gaz à effet de serre?

Le retrait de Honda de la Formule 1, alors même qu'elle gagnait des courses avec Red Bull - l'un des trois top teams, a chamboulé la scène, d'autant plus que le constructeur japonais avait motivé son départ par le désir de se focaliser sur l'électrification, ce qui a laissé comprendre que la F1 était un dinosaure du sport, bâti sur une énergie fossile sale et bruyante. Est ce que d'autres vont suivre pour gagner un certain crédit auprès d'une clientèle de jeunes, moins fidèle, et plus attachés aux valeurs environnementales que leurs aînés ? En réponse, la F1 a pris des décisions, afin de retenir Renault et Mercedes, mais aussi pour attirer des nouveaux motoristes.
Des recherches intensives sur le non fossile sont lancées, de façon à rendre la course viable économiquement pour un nouvel entrant, tout en s'assurant que les futurs moteurs ne dépendraient pas de carburants à forte empreinte carbone. En décembre dernier, la FIA a livré aux motoristes, pour évaluation, le premier baril de carburant 100 % renouvelable réalisé à partir d'un mélange de déchets organiques. Ce que Jean Todt, le président de la FIA, a commenté en déclarant qu'"en développant un carburant renouvelable pour motoriser la Formule 1, nous franchissons une nouvelle étape".
En effet, la Formule 1 a servi durant des années de plate-forme pour introduire des nouvelles technologies dans l'industrie automobile. Ainsi, ce virage en termes de développement durable permet de bâtir un chemin pour des moteurs hybrides qui réduisent leurs émissions et offrent des bénéfices réels au monde entier dans les voitures de route grand public. La Commission de la F1 a récemment décidé d'avancer d'un an (à 2025) l'introduction de cette nouvelle génération de moteurs.

Techniquement parlant, les ingénieurs doivent faire face à des défis majeurs, car ils doivent obtenir une meilleure efficacité énergétique et à la fois une réduction des polluants. Mais aussi basculer vers des carburants renouvelables et promouvoir de nouvelles technologies, tout en surveillant les coûts. La FIA souhaite attirer de nouveaux constructeurs, donc il faut maintenir leurs investissements dans des limites raisonnables.

Le premier concept doit être présenté au public en juin prochain, les six mois suivants étant consacrés à évaluer et à affiner les différents concepts. En décembre 2022, il devra être ratifié pour entrer en vigueur au début de la saison 2025. Gilles Simon, directeur technique de la FIA en charge des moteurs pense que cette vision des choses permettra de conserver les actuels motoristes et d'en attirer de nouveaux qui ont besoin dans le même temps de dépenser des sommes considérables pour financer l'électrification à marche forcée de leurs productions.

Bien entendu, la F1 doit rester puissante et génératrice d'émotions, ce qui veut dire qu'un travail sur le son devra être fourni. C'est un autre défi important, car pour obtenir une puissance efficace, il faut passer par des turbos et des générateurs entraînés par les gaz d'échappement. L'idée serait d'obtenir des unités de puissance environ 800 kW (1 087 ch), en se basant sur une architecture semblable à celle des V6 actuels de 1.6 litre, avec un système de récupération de l'énergie thermique à l'échappement et un équilibre à 50/50 entre la puissance du thermique et de l'électrique. Actuellement, on a un total d'environ 670 W (910 ch) provenant pour 550 kW du moteur thermique et pour 120 KW du pack de batteries.

Selon Gilles Simon, les avancées en termes de batteries sont telles que l'énergie électrique pourrait être triplée, sans augmenter le de poids des unités de puissance d'aujourd'hui, ce qui fait 145 kg minimum pour le moteur thermique, la batterie, les deux générateurs, l'unité de contrôle électronique, en dépit d'un triplement de l'énergie électrique. C'est une évolution fulgurante depuis l'introduction de l'actuel système hybride en 2014.Mais la FIA réfléchit également à une voiture totalement différente, à de nouveaux moteurs, car en 2025, ce seront des voitures entièrement nouvelles qui arriveront avec ces nouvelles unités de puissance.

Néanmoins, le challenge le plus grand est sûrement de produire un carburant renouvelable, qu'il soit bio ou de synthèse, aux standards nécessaires pour ces moteurs et en quantité suffisante, sachant qu'il faudrait produire environ 400 000 litres de ces carburants par saison de la F1 pour alimenter toute la grille. Et cela sans compter les essais de développement des moteurs, qui doublent la consommation des écuries. Pour cela, tous les grands pétroliers sont en train de réaliser des carburants pour les monoplaces avec peu ou pas de modifications nécessaires. Ensuite, ce carburant sera à vocation de devenir grand public, étant donné qu'environ un milliard de véhicules susceptibles d'être alimentés par de tels carburants circulent sur la Terre. Et si on entre dans l'équation la production des cellules des batteries, ces "e-carburants" sont plus "propres" sur le cycle global que les voitures à batterie, notamment si l'on utilise de l'énergie renouvelable pour transformer la biomasse et produire ces essences de synthèse.

Bien sûr, certains pays en développement ont besoin de moyens de transport, mais ne disposent pas d'infrastructures d'électricité suffisantes pour alimenter des voitures électriques. Dans ces circonstances, les futurs moteurs de Formule 1 pourraient servir d'exemple l'usage d'une mobilité "propre" qui n'ait pas recours à l'électricité, tout en garantissant au moteur à combustion interne un bel avenir.

Alejandro Agag, l'ancien secrétaire général du premier groupe parlementaire européen et désormais un homme d'affaires reconnu, mais qui est connu notamment pour avoir lancé en 2014 la Formule E, en laquelle personne ne croyait et laquelle est finalement devenue une vitrine de la mobilité électrique, prépare une nouvelle compétition "à messages". Le Championnat Extreme E a pour vocation d'alerter l'opinion publique sur le réchauffement climatique. Pour cela, ces nouvelles courses de 4x4 électriques seront organisées dans des zones les plus menacées.

Après la Formule E, Agag souhaitait créer un lien plus fort avec les voitures de tous les jours et qui s'engagerait en même temps davantage dans le combat contre le réchauffement climatique. Une nouvelle compétition engagée est née. Extreme E va utiliser la plate-forme du sport pour promouvoir des valeurs, des véhicules électriques, de préparer un avenir moins carboné, mais aussi de créer une première compétition automobile mettant à égalité les hommes et les femmes.

Ainsi, Extreme E, le premier sport créé et basé sur un propos social, cherche à augmenter la prise de conscience du public sur des problèmes lesquels menacent l'avenir de notre planète.
Normalement, la logistique d'un championnat participe énormément à un bilan carbone indécent. Extreme E a pour objectif de relever ce défi de la manière la plus durable possible. Le promoteur espagnol a acheté un cargo longtemps chargé d'assurer la liaison avec l'île de Sainte-Hélène dans l'Atlantique sud, qui servira de paddock flottant. Aussi, pour réduire au maximum les voyages en avion et de ce fait les émissions de carbone, le nombre de personnes sur les sites de course sera très limité. Chaque équipe ne pourra amener que deux pilotes, quatre mécaniciens et un ingénieur. Toute l'équipe de production télé opérera à distance et il n'y aura pas de spectateurs sur place. Il est évident que le Championnat Extreme E vise à devenir une activité neutre en carbone.

Toutes les équipes disposeront de la même voiture. Un SUV 100 % électrique, élaboré par Spark Racing Technology (l'entreprise française qui a déjà conçu les deux premières générations de Formule E) et propulsé par deux moteurs électriques délivrant au total 400 kW, soit environ 550 chevaux. Cette voiture a déjà été testée lors de la dernière étape du Dakar 2020 par Ken Block, qui y a décroché le 3ème chrono.

Cette initiative a attiré des grands noms du monde de la course automobile, notamment les trois champions du monde de Formule 1: Lewis Hamilton, Nico Rosberg et Jenson Button, lesquels ont créé chacun leur propre équipe. Cerise sur le gâteau, multiple champion du monde des rallye Sébastien Loeb pilotera avec Cristina Gutiérrez pour l'équipe de Hamilton.

Et n'oublions pas l'égalité hommes-femmes! Extreme E, pas question de négliger les représentantes de la gent féminine - chaque équipage sera composé de deux pilotes, obligatoirement un homme et une femme. Par exemple, le pilote de F1 Carlos Sainz va courir avec Laia Sanz de manière à que lors de chaque manche, les deux pilotes s'échangent le volant. Aussi, l'Américaine Cate Cummings partagera le sien avec le champion du monde de Rallycross Timmy Hansen.

C'est du jamais vu dans l'univers du sport automobile. Les pilotes femmes constituent désormais un élément fondamental de la performance des équipes.